Le rouge-gorge mérite bien son qualificatif de familier. Peu farouche, il nous accompagne pendant nos travaux de jardinage, n'hésitant pas à se poser près de nous pour saisir les insectes et les vers de terre délogés de leur abri souterrain lorsque nous remuons la terre. Malgré sa petite taille, il ne passe pas inaperçu dans notre jardin : exhibant son torse coloré quand il chante ou défend son territoire. Présent toute l'année à nos côtés, c'est l'un de nos petits hôtes ailés les plus fidèles. Il mérite donc bien qu'on lui consacre un article.
Avec son corps rondelet, sa gorge orange vif et son gros oeil rond, le rouge-gorge peut être identifié facilement.
Le rouge-gorge familier (Erithacus rubecula) est un oiseau qui appartient à la famille des Muscicapidés et à l'ordre des Passériformes. Il figure parmi les espèces les plus largement répandues en France, c'est également le cas en Belgique et en Suisse.
Les Passériformes ou passereaux sont le plus grand ordre de la classe des oiseaux. Il y en a 6 430 espèces, soit plus de la moitié des oiseaux actuellement connus.
Le rouge-gorge est légèrement plus petit qu'un moineau, avec une taille de 12,5 à 14 cm et un poids de 16 à 22 grammes. Il est rondelet, haut sur pattes avec des ailes relativement courtes atteignant péniblement le milieu de la queue. Mâles et femelle sont identiques.
Mâle ou femelle, aucun signe extérieur ne nous permet de le dire...
On reconnaît facilement le rouge-gorge adulte par la couleur orangée de son plumage qui recouvre sa poitrine et son cou, jusqu’à son front. Toute cette partie est entourée d’une bande gris clair. La partie supérieure de son corps est, quant à elle, de couleur brun sombre. Le rouge-gorge possède deux grands yeux très sombres et un bec fin brun foncé. Ses pattes sont rougeâtres ou brunâtres.
Bien que sa face et sa poitrine soient plus orangées que rougeâtres, cet oiseau prend le nom familier de Rouge-gorge au Moyen Âge. Cette contradiction s'explique car la dénomination de la couleur orange n'apparaît en Europe qu'au XVIe siècle par la diffusion sur ce continent de l'orange douce (le fruit) rapportée à la fin du XVe siècle par les Portugais de Ceylan et de Chine.
Le juvénile rouge-gorge a une silhouette semblable à celle de l'adulte, mais un aspect très différent. La couleur orange est absente. L'ensemble du corps est brun, largement moucheté de chamois roussâtre. Le futur plastron orange transparaît néanmoins déjà car à ce niveau les plumes sont plus rousses qu'ailleurs. Il faudra attendre la mue post-juvénile pour voir apparaître les premières plumes orangées. Autrement, les premières semaines, la commissure buccale jaune est bien visible.
Un rouge-gorge? Avouez qu'on pourrait en douter ! Il faudra 2 mois avant que le plastron orangé soit visible.
Le rouge-gorge s'est très bien acclimaté à la vie villageoise et urbaine. On le rencontre aussi bien à la campagne qu'en ville, dans les taillis et les bois que dans les parcs et jardins. Il recherche un territoire riche en insectes, en vers et en araignées, et profite des aubaines offertes par son voisinage avec l'homme pour se nourrir et s'occuper de sa famille.
Le rouge-gorge se perche souvent à découvert pour affirmer sa présence.
Solitaire, le rouge-gorge doit défendre son territoire pour empêcher ses congénères de le priver de ses ressources alimentaires. En dehors de la période de reproduction, mâle et femelle défendent séparément leur propre territoire.
Migrateur ou sédentaire, en hiver le rouge-gorge défend toujours un territoire.
La petite taille du rouge-gorge et son allure sympathique, due à sa forme ronde et à son oeil vif, masquent un caractère très affirmé. Il protège son territoire avec ardeur, voire agressivité, contre les intrus y pénétrant. Dés qu'il perçoit la tache rouge orangé indiquant la présence d'un congénère à l'intérieur de son domaine, il se lance dans une tentative d'intimidation pour mettre celui-ci en fuite. il pousse alors des cris en déployant ses ailes et en bombant le torse, exhibant ainsi sa poitrine rouge orangé.
Si l'intrus reste insensible à cette menace, l'attaque est lancée. Le duel se conclut au mieux par la fuite de l'un des combattants, au pire par sa mort.
Le bec long et étroit du rouge-gorge est idéal pour attraper les insectes. Il ne mange pas de graines car, contrairement aux mésanges, il ne sait pas les décortiquer.
Au printemps et en été, le rouge-gorge se nourrit principalement d'insectes, d’araignées, de larves et de petits invertébrés comme le laisse supposer son bec fin. Il les traque en général au sol. Posté à terre, il guette de son gros oeil rond les mouvements de ses futures proies. Il peut aussi faire le guet depuis un perchoir peu élevé avant de sauter sur sa proie, de la saisir puis de rejoindre son perchoir. Des hochements de queue et des sautillements sont caractéristiques du déplacement du rouge-gorge au sol. Au monde danger, il s'envole pour se mettre à l'abri d'un buisson, avant de revenir à terre une fois la menace écartée.
Le rouge-gorge consomme aussi des baies et des fruits (pomme, fraise, sorbier, vigne, gui, groseille, sureau).
En hiver, il fréquente assidûment les mangeoires mais attention, le rouge gorge n'aime pas les graines ! En effet, il est incapable briser les écorces rigides du tournesol et des cacahuètes. C'est donc sous la mangeoire, qu'il récupère les miettes que verdiers, pinsons et mésanges font tomber. Ils sont davantage à leur affaire si nous leur mettons des boules de graisses écrasées, du lard ou des brisures de fruits secs comme les noix ou les noisettes.
Du tournesol, le rouge-gorge ne peut manger que les miettes oubliées par les granivores.
Lors des hivers rigoureux, à l'instar de tous les petits oiseaux, le rouge-gorge est très vulnérable et doit lutter pour sa survie. On le voit ainsi gonfler son plumage pour préserver sa chaleur corporelle.
Quand la tempèrature baisse, le rouge-gorge gonfle son plumage pour se protèger du froid.
Le rouge-gorge chante principalement pour attirer la femelle et marquer son territoire, plutôt de bonne heure le matin, posé sur un perchoir exposé. Il chante toute l’année, excepté à la fin de l’été quand il mue. En hiver, les deux sexes défendent chacun un territoire alimentaire en chantant. Ce chant est réputé plus doux que le chant printanier.
Le chant du rouge-gorge est particulièrement mélodieux. Mais, à la différence de nombreux oiseaux, il peut être entendu tout au long de l'année, sauf pendant l'été.
Le rouge-gorge est un des rares passereaux à chanter tout l'hiver.
Les couples de rouge-gorge se forment en hiver. Le rouge gorge installe son nid fait de brindilles, d'herbes, de feuilles sèches et de mousse à l’abri des regards, bien caché par de la végétation ou dans une cavité d’un vieux mur en pierres. La femelle est seule à construire le nid à partir de fin mars. Elle y dépose de 5 à 7 œufs et les couve de 11 à 14 jours, temps pendant lequel la femelle rouge gorge quitte le nid seulement pour être nourrie par le mâle. Une fois les œufs éclos et pendant une semaine, la femelle couve ses petits et le mâle apporte la nourriture nécessaire. A partir de la deuxième semaine, les deux parents nourrissent les petits jusqu’à ce qu’ils soient indépendants, à l’âge de 3 semaines.
1 à 2 pontes pontes peuvent avoir lieu durant la même année. Si les jeunes ne sont pas émancipés alors que la nouvelle ponte a eu lieu, le mâle s'occupe d'eux.
Le rouge-gorge vit entre 1,5 et 3 ans au maximum dans la nature, car 80 % d’entre eux ont du mal à passer leur première année surtout en hiver. Dans le cas contraire et s’il est bien protégé, il peut vivre au moins 10 ans. Le record de longévité de l'espèce serait de 17 ans et 3 mois pour un oiseau polonais !
Le rouge-gorge est ce que les ornithologues appellent un migrateur partiel, c'est à dire qu'une partie de la population est migratrice et une autre sédentaire.
Une petite partie des rouges-gorges français sont migrateurs.
Le rouge-gorge familier bénéficie d'une protection totale sur le territoire français depuis l'Arrêté du 29 octobre 2009 fixant la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection. Il est donc interdit de le détruire, le mutiler, le capturer ou l'enlever, de le perturber intentionnellement ou de le naturaliser, ainsi que de détruire ou enlever les œufs et les nids, et de détruire, altérer ou dégrader son milieu. Qu'il soit vivant ou mort, il est aussi interdit de le transporter, colporter, de l'utiliser, de le détenir, de le vendre ou de l'acheter s'il s'agit d'oiseaux prélevés dans le milieu naturel.
Malgré cela, la chasse au rouge-gorge est toujours pratiquée dans les départements du sud de la France où certains restaurateurs proposent encore des brochettes de ces oiseaux au prix prohibitif de 30 à 40 € le rouge-gorge. Ramené au gramme, le prix de ces oiseaux protégés est plus cher que le cannabis !
Le rouge-gorge est protégé dans tous les pays européens, ce qui n'empêche pas qu'il soit braconné abondamment dans certains d'entre eux comme la France, l'Espagne, l'Italie, Malte ou Chypre.
Dans le Var, le trafic de petits oiseaux rapporte plus que le cannabis
Les agents de la police de l'Environnement de Toulon, l'ONCFS, ont fait une saisie record de 1.903 pièges ainsi que 75 oiseaux morts, essentiellement des rouges-gorges, revendus pour leur chair ...
Comment ne pas éprouver un élan de sympathie pour ce petit oiseau si vif, si proche, et qui semble toujours vouloir venir nous parler?
Le rouge-gorge est un oiseau porteur de légendes. N’est-ce pas lui qui, selon de très anciennes croyances, apporta un jour le feu à l’homme? On raconte, parfois, à la veillée, que plusieurs oiseaux entrèrent un jour en compétition pour le titre royal qu'obtiendrait celui qui volerait le plus haut. Le troglodyte se posa sur le dos de l'aigle sans que celui-ci s'en aperçoive et parvint grâce à cette ruse à emporter le titre. Mais il s'approcha trop du soleil, et ses plumes commençaient tout juste à flamber lorsque le rouge-gorge, se portant à son secours, vit sa poitrine s'embraser. Voilà pourquoi le troglodyte a un plumage seulement tâché de brun alors que celui du rouge-gorge porte un large plastron rouge.
Voir l'article : Les légendes du Rouge-gorge
Pour les amérindiens, les plumes d'oiseaux ont une symbolique : Comme le rouge-gorge est l'un des premiers oiseaux à revenir lors du printemps, ses plumes sont reconnues pour apporter le renouveau. Elles sont particulièrement importantes lors de rituel de fertilité. Trouver une plume de Rouge-gorge par terre est signe d'une nouvelle.
Au Moyen Âge, les oiseaux étaient non seulement les messagers du printemps, mais aussi ceux de l’amour. A cette époque, les jeunes filles s’en remettaient aux oiseaux pour connaître leur avenir amoureux. Un rouge-gorge présageait un mariage avec un marin, un moineau était synonyme de mariage heureux, mais avec un homme peu fortuné tandis qu’un chardonneret était synonyme d’union avec un homme riche.
Tremblez, je suis le Rouge-gorge !
Voyez sur ma poitrine le signe vermeil
Et dans mon œil le feu de constantes victoires !
On croit que tout est fini, mais alors il y a toujours un rouge-gorge qui se met à chanter
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