Le Marabout d’Afrique ou Cigogne à sac (Leptoptilos crumenifer) est souvent considéré comme l’un des animaux les plus laids de la planète. Énorme, chauve, disgracieux, pourvu d'un bec imposant, sont les quatre qualificatifs qui le caractérisent le mieux. Pourtant, sous son allure et ses traits peu avantageux, le marabout cache des qualités admirables. Nous vous proposons d'en apprendre un peu plus sur cet oiseau tant calomnié.
Parmi les nombreux oiseaux d’Afrique, le marabout est l’un des plus dépréciés. Doté d’un physique plutôt ingrat, il intrigue plus qu’il ne séduit.
Le Marabout d'Afrique est une espèce d’oiseau échassier appartenant à l’ordre des ciconiiformes et à la famille des Ciconiidae. C'est donc un proche parent de la Cigogne blanche (Ciconia ciconia). Le nom marabout dérive du mot arabe murãbit, qui désigne un homme saint. Ce nom lui a été donné au début du XIXe siècle par le naturaliste néerlandais Coenraad Jacob Temminck (1778-1858)
Le marabout, comme la cigogne ou le héron, fait partie de l’ordre des Ciconiiformes. Cet ordre regroupe actuellement cinq familles distinctes. La famille des Ciconiidés compte 19 espèces qui sont réparties en 6 genres. Le marabout fait partie du genre Leptotilos.
On trouve le marabout d'Afrique dans toute l'Afrique subsaharienne, depuis le Sénégal vers l’est jusqu’en Erythrée, en Ethiopie et dans l’ouest de la Somalie, vers le sud jusqu’en Namibie et dans le nord et l’est de l’Afrique du Sud. Bien que souvent observé dans les marais ou au bord des lacs et cours d'eau africains, le marabout n'est pas lié à l'eau. Il vit et se nourrit aussi dans la brousse aride et dégagée et la savane arborée, partout où la température est assez élevée pour produire des courants thermiques aériens sur lesquels il plane en cercles.
On le voit souvent au bord des lacs et des marais, mais le marabout d'Afrique ne dépend pas d'eux pour se nourrir.
Le marabout d'Afrique est l'un des plus grands ciconiidés avec le jabiru d'Afrique (Ephippiorhynchus senegalensis). Un mâle adulte peut atteindre 1,50 mètre de haut et peser plus de huit kilos. Les femelles sont un peu plus petites.
Échassier de grande taille, le marabout d'Afrique est la plus grande espèce de cigogne avec le Jabiru d'Afrique.
Le marabout d’Afrique adulte a les parties supérieures gris ardoisé foncé ou noirâtres, y compris les ailes et la queue. Les parties inférieures sont blanches et contrastent fortement avec le dessous des ailes noir.
Le plumage sur le dos et les ailes est noir, tandis que le ventre est blanc. La tête et le cou sont dépourvus de plumes.
La tête et le cou sont nus, rosâtres ou rougeâtres, avec quelques touffes de plumes éparses. La peau de la tête fortement pigmentée est une protection naturelle contre le soleil et les cloques qui peuvent s’infecter lorsque l’oiseau plonge sa tête dans une carcasse.
La tête du marabout d'Afrique n'est garnie que de plumes duveteuses et très clairsemées; son cou est presque entièrement dénudé.
Son gros bec, formé de couches de corne rigides et épaisses, est composé de deux mandibules reliées au crâne par des muscles puissants. Il peut mesurer plus de 30 cm et représente un instrument puissant pour détacher des carcasses des gros morceaux d’un kilo de viande.
Le bec, à la surface rugueuse et aux angles accusés, est très épais et quadrangulaire à la base et se termine en pointe aiguë, de manière à constituer une arme formidable.
Les yeux sont brun foncé. Les longues pattes et les doigts sont gris foncé, mais ils apparaissent souvent blancs, couverts d’urine et de fientes qui protègent la peau du soleil et aident l’oiseau à réguler sa température.
Les pattes du marabout d'Afrique sont longues et sombres, les orteils sont très longs et non palmés.
Le marabout d'Afrique est aisément reconnaissable car il adopte des postures caractéristiques. Au sol, il se poste debout la tête rentrée dans les épaules ou assis sur ses tarses. En vol, contrairement aux autres ciconiiformes, il vole le cou replié à la façon des hérons.
Il y a de quoi être surpris quand on découvre un marabout d'Afrique assis sur ses tarses : c’est pourtant une posture caractéristique de cette espèce !
Les marabouts mâles sont reconnaissables par la présence d'un sac gulaire rose (une poche sur la gorge) qui peut pendre sur 40cm de longueur. Une autre poche moins visible se trouve à la base de l’arrière du cou, cachée dans une collerette de plumes blanches. Ces ornements particuliers sont utilisés au cours des parades. Le marabout peut la gonfler ou la dégonfler grâce à un système de poches d'air reliées aux narines.
En plumage nuptial, les adultes ont les couvertures alaires bordées de blanc. La poche gonflable est beaucoup plus importante pendant la saison de reproduction, tout comme la poche plus petite rouge vif à l’arrière du cou. Ce sont en fait des caisses de résonance qui permettent à l’oiseau de produire des sons gutturaux. Le sac gulaire sert aussi de coussin pour supporter le poids du gros bec.
Malgré sa taille, cette cigogne est un excellent voilier. Avec une envergure de plus de 2,50 mètres, le marabout d'Afrique partage avec le condor des Andes le record d'envergure des oiseaux terrestre.Il est est capable de planer en compagnie des meilleurs. La tête légèrement rentrée et les pattes sveltes étendues dans le prolongement du corps, il ne manque pas d’élégance en vol. Il maîtrise les courants d’air chaud, ou ascendants, et il lui arrive de voler tellement haut que, d’en bas, il est presque invisible. On a observé des marabouts qui montaient jusqu’à 4 000 mètres ! A cette hauteur, le marabout d'Afrique est un risque pour les avions légers.
Contrairement aux autres Ciconiidés, le marabout vole avec le cou replié, comme les hérons. Cette posture lui permet de transférer le poids de son énorme bec vers les épaules, lui évitant ainsi de fatiguer son cou.
Le marabout d'Afrique est sédentaire. Cependant certains individus vivant habituellement dans le nord ou le sud du continent peuvent migrer au centre pour y nidifier. On le voit fréquemment en petits groupes sur les zones où il sait trouver de la nourriture, même sur les décharges à proximité des habitations, et forme des colonies plus ou moins importantes lors de la saison de reproduction. Excellent voilier, le marabout d'Afrique se sert des courants thermiques pour s'élever et c'est depuis les airs, tel un vautour, qu'il repère les charognes dont il se nourrit le plus souvent. Cet oiseau silencieux ne claque du bec que lors de la période des amours.
Malgré son appartenance à une famille d'oiseaux échassiers, le marabout d'Afrique est à bien des égards plus proche des vautours. Les charognes sont sa ressource alimentaire primordiale et il plane à bonne hauteur afin de guetter les opportunités de repas. Lorsqu’ils repèrent un cadavre, Il descend ensuite à grande vitesse, ses ailes produisant un vrombissement. Les marabouts attendent que les vautours, plus hargneux, l’éventrent avec leur puissant bec recourbé. Au moment opportun, un marabout, prêt à utiliser son long bec tel un bistouri, fondra sur la charogne, saisira un lambeau de chair et retournera sur la touche jusqu’à sa prochaine intervention. Quand les vautours seront rassasiés, les marabouts se jetteront sur les moindres restes de chair. Ils mangeront presque tout ce qui pourra passer dans leur gosier, excepté les os. Ils peuvent facilement gober des morceaux de viande de 600 grammes. Sa tête et son cou nus lui permettent d'enfoncer profondément le bec dans les cadavres sans se souiller les plumes.
Principalement charognard, c’est pour éviter de se souiller les plumes lorsqu’il plonge dans une carcasse que sa tête est dégarnie. Sa tête de ptérodactyle donne froid dans le dos à quiconque croise son regard inquisiteur!
En plus de charognes, le marabout mange différents animaux qui passent à sa portée. Il se nourrit souvent en marchant à terre ou dans l'eau, capturant les grenouilles et les serpents dans les marais peu profonds ou, à terre, les petits mammifères, d'une brusque détente du bec. Les sauterelles et les criquets sont également des proies faciles et sont consommés en grandes quantités. Il lui arrive aussi de piller les nids de certains oiseaux.
Le Marabout d'Afrique n’est pas exclusivement charognard. C’est un omnivore opportuniste. Il peut également capturer les petits animaux qui passent à sa portée : insectes, reptiles, rongeurs, poissons.
Dans l’ouest du Kenya, alors qu’il cherchait sa pitance aux abords d’un abattoir, un marabout est parvenu à avaler un couteau de boucher. Quelques jours plus tard, on a retrouvé dans les parages le couteau propre et reluisant. Le marabout qui l’avait régurgité poursuivait sa besogne habituelle, sans s’être apparemment blessé !
Le marabout d'Afrique est un échassier grégaire qui nidifie fréquemment en colonies variant de quelques dizaines à quelques milliers d'individus, à proximité des sites où ils savent trouver de la nourriture. Mais seule une partie de la population se reproduit à la fin de la saison des pluies. Les marabouts jouent particulièrement bien leur rôle de parents. Élever des petits constitue un travail prenant qui commence par la construction d’un nid. Après avoir choisi un emplacement adéquat, le mâle, rejoint plus tard par une femelle, entreprend la nidification. Le nid qu’il bâtit, parfois à une hauteur de 30 mètres, n’a rien d’extraordinaire. Il ne s’agit que d’une plateforme inégale et découverte, d’un mètre de diamètre, tapissée de menu bois sec, de rameaux et de feuilles. À vrai dire, un oiseau nicheur se servira quelquefois d’un ancien nid ; il retapera la literie en y ajoutant des brindilles et d’autres matériaux. Certaines colonies de marabouts gardent leur site de nidification pendant 50 ans.
La poche gonflable est beaucoup plus importante pendant la saison de reproduction, tout comme la poche plus petite rouge vif à l’arrière du cou.
Le marabout mâle n’a pas encore fini de bâtir la nouvelle demeure qu’il se prépare à trouver un conjoint. Contrairement à de nombreuses autres espèces d’oiseaux, il attend qu’une femelle l’approche. Plusieurs épouses potentielles se présenteront à lui, espérant trouver faveur à ses yeux. Il n’est pas rare qu’il les repousse. Toutefois, la persévérance paie, et une oiselle finira par se faire accepter. Durant la parade qui s’ensuit, avec leurs poches gonflées à bloc, les deux oiseaux pousseront des cris pour faire fuir les congénères indésirables. Ces cris ressemblent à des mugissements, à des gémissements et à des sifflements. Ce sont les seuls sons qu’ils émettent, mis à part les claquements occasionnels de leur grand bec. Un lien puissant se crée entre les deux partenaires, consolidé par la “ révérence ” qu’ils se font chaque fois que l’un d’eux revient au nid. Ils renversent la tête sur le dos, la baissent, puis claquent longuement du bec.
D'ordinaire silencieux, le marabout d'Afrique croasse ou grogne à l'intention d'un congénère.
Le couple achève le nid ensemble. Ils couveront aussi tous les deux. Après un mois d’incubation, deux ou trois œufs d’un blanc crayeux donneront naissance à de petits poussins rosâtres, au duvet clairsemé, dont chacun des parents s’occupera avec attention. Ces jeunes marabouts seront choyés. Débutera un programme intense d’alimentation comprenant des aliments très nourrissants, comme du poisson. Dans les endroits marécageux, qu’ils aiment fréquenter, les parents marabouts s’approvisionneront en grenouilles, autre mets qui entre dans la composition de leur menu. Les oisillons se nourriront des petits bouts d’aliments que leurs parents auront régurgités dans le nid. Le plumage des poussins n'est formé qu'au bout de 3 mois, mais ceux-ci ne quittent le nid que 2 semaines plus tard. Les juvéniles atteignent leur maturité sexuelle entre 3 et 4 ans.
L'espérance de vie du marabout d'Afrique est de 25 ans dans la nature. En captivité, le record est de 41 ans selon le site Record Life Spans (years) of Birds
Le marabout d’Afrique est commun et même abondant à travers sa vaste distribution, et sa population semble augmenter car ces oiseaux sont capables d’exploiter la croissance incessante des quantités de déchets provenant des humains. A cause de son apparence peu avenante et de ses comportements alimentaires, le marabout d’Afrique attire moins les chasseurs. Le marabout possède de belles plumes sous la queue, qui étaient autrefois utilisées pour la décoration des vêtements féminins. Dans certaines régions d'Afrique la chasse au marabout dans ce but a sérieusement réduit les effectifs de l'espèce. Cependant, l’oiseau est encore chassé et vendu sur les marchés au Nigeria au profit des médecines naturelles. Mais le marabout d’Afrique bénéficie aussi parfois d’une certaine protection parce que ses habitudes de charognard aident à contrôler les virus et autres maladies et à éviter peur propagation.
Son statut de conservation selon l’IUCN (Union internationale pour la conservation de la nature) est classé comme préoccupation mineure (LC), car ce n’est pas une espèce en danger, bien qu’il soit classé comme étant Presque Menacé en Afrique du Sud à cause de la petite taille de sa population dans ces régions.
Malgré un rythme reproducteur assez lent, le marabout d'Afrique reste localement très commun. Certaines populations ont autrefois été décimées par des chasseurs qui revendaient les plumes de la queue pour la décoration de vêtements.
Quand elles ornent un éventail ou quelque parure chère à une femme, fait remarquer le livre Cigognes, ibis et spatules du monde (angl.), on a presque du mal à croire que des plumes aussi belles et aussi délicates proviennent de cet énorme charognard anguleux et repoussant.
Maintenant que nous connaissons un peu mieux le marabout, nous savons qu’il ne mérite pas qu’on le méprise et qu’on le déprécie. Son efficacité et son application à nettoyer l’environnement nous sont très utiles.
Sources:
Animal Diversity Web
University of Michigan
Watchtower
BIBLIOTHÈQUE EN LIGNE
Si vous avez aimé cet article, vous aimerez peut-être aussi :
S’il existe [...] un oiseau plus maléfique que le marabout, je ne l’ai pas encore rencontré.