Parmi les nombreuses et intéressantes espèces de la famille des Cervidés, il en est une qui présente un intérêt particulier, c'est le Cerf du Père David.
En effet, celui-ci présente des caractéristiques étonnantes mais ce qui est surtout digne de remarque, c'est que cette espèce non seulement n'a jamais été observé dans la nature, mais qu'elle a connu, depuis sa découverte en 1865, par le Père David, une suite de vicissitudes qui valent d'être rapportées.
Ce cervidé particulièrement singulier est aujourd’hui considéré comme un exemple du rôle que peuvent jouer les parcs zoologiques dans la conservation des espèces menacées et l'importance de leurs partenariats.
Le cerf du Père David doit son nom à un missionnaire et naturaliste français qui, à la fin du XIXe siècle, sauva cette espèce de l'extinction en important en Europe ses derniers représentants.
Biche et cerf du Père David en captivité à PairiDaiza, Belgique
Le cerf du Père David (Elaphurus davidianus), également connu sous le nom de milu ( chinois : 麋鹿 ) ou élaphure, est l'unique représentant du genre Elaphurus. Originaire des plaines humides du nord-est de la Chine, ce cervidé n'est plus représenté aujourd'hui que dans des réserves et des parcs zoologiques.
Les Chinois appellent aussi le cerf du Père David "sibuxiang" (四不像) c'est-à-dire "les quatre discordances", car ils considèrent que cet animal a les bois d'un cerf, le cou d'un chameau, les sabots d'une vache et la queue d'un âne.
La disparition du cerf du Père David à l'état sauvage a sans doute eu pour principale cause la transformation de son habitat marécageux d'origine en zones de rizières. Selon certains spécialistes, elles aurait débuté dès le IIe siècle av. J.C
L'histoire du déclin de cerf et de sa découverte par les Occidentaux est elle aussi étonnante.
À l'origine, le cerf du Père David fréquentait sans doute les grandes étendues marécageuses du nord-est de la Chine, mais reculant peu à peu devant l'avance des cultivateurs qui asséchaient son habitat , il y a plus de 3000 ans, le cerf disparu de la vie libre. Les seuls animaux ayant survécu étaient détenus dans des réserves de chasse de l'empire chinois.
En 1865, le Père Armand David, un missionnaire et naturaliste français en mission en Chine, découvrit le dernier troupeau hébergé dans le jardin zoologique de l'empereur, près de Pékin.
Un an après, soudoyant des sentinelles gardant le parc, il put se procurer deux peaux, qui furent expédiées au Muséum d'Histoire Naturelle de Paris. Cela permit au Professeur Milne-Edwards de le nommer Elaphurus davidianus et de le décrire.
Après bon nombre de péripéties, on put enfin faire venir en Europe des exemplaires vivants, ce qui permit au cerf du Père David d'être présent, à la fin du XIXe siècle, dans plusieurs zoos européens.
C'était une chance inespérée car en 1894, une inondation détruisit le mur d'enceinte du parc impérial, permettant à de nombreux cerfs de s'échapper : ils furent tués par des paysans, profitant de l'aubaine de se procurer de la viande gratuite. Et en 1900, la révolte des Boxers vit les soldats britanniques abattre à la mitrailleuse la plupart des cerfs qui restaient encore, pour justement éviter que les rebelles puissent s'en servir comme nourriture. Les derniers cerfs survivants de ce massacre s'éteignirent à Pékin en 1921.
Les spécimens envoyés en Europe se reproduisirent mal, jusqu'à ce que Herbrand Russell, 11e duc de Bedford ait l'idée de rassembler les derniers survivants en une seule harde dans le parc de Woburn Abbey (Angleterre) . Dès lors, la harde proliféra rapidement au point de compter plus de 250 individus en 1939.
Au cours de la Seconde guerre mondiale, une partie de la harde de Woburn fut transférée au zoo de Whipsnade pour éviter les risques d'extinction que les bombardements pouvaient faire courir à ces animaux concentrés en un seul endroit. Par la suite, des spécimens de ces deux réserves furent envoyés dans divers pays du monde et, aujourd'hui la population des cerfs du Père David est estimée à environ 6000 individus.
La harde de Woburn est le noyau originel de tous les exemplaires de cerf du Père David existant dans le monde.
Le cerf du Père David est l'une des plus grandes espèces de cervidés vivant au monde. Sa taille varie entre 1,80 et 1,90 m de la tête à la queue pour une hauteur au garrot de 1,20 m. La femelle est un peu plus petite que le mâle. Le poids est compris entre 140 et 245 kg.
Le mâle est un peu plus grand que la femelle dont il se distingue surtout par ses bois
Les femelles ne portent pas de bois, comme chez la plupart des cervidés, et leur encolure est plus étroite que celle du mâle.
Son pelage d'été est d'un fauve-rouge très vif, plus clair toutefois que chez le cerf d'Europe. La livrée d'hiver est gris foncé et se différencie de la précédente en ce qu'elle présente une bourre laineuse très fine et très douce, sous le poil proprement dit. Sur les épaules et le dos, on peut voir une bande sombre. Les faons naissent tachetés, comme c'est commun avec de nombreuses espèces de cerfs, et perdent leurs taches lorsqu'ils prennent de l'âge.
Au cours de la mue, l'animal perd son pelage par plaques entières et paraît en piteux état.
La tête est exceptionnellement longue et mince. Celle-ci est également caractérisée par de grands yeux expressifs et de petites oreilles pointues. La peau autour des yeux et les lèvres sont gris clair et la gorge est habillée d’une crinière visible uniquement chez les mâles. Situé à l'avant de l'œil, chez les deux sexes, le larmier ou glande préorbitaire est particulièrement visible, surtout chez le mâle en période de rut. Cette glande exhale une odeur musquée très forte qui permet au cerf de marquer son territoire quand il frotte son front contre les arbres et semble jouer un rôle majeur dans les relations mère-jeune.
Le cerf du Père David a une longue tête étroite caractéristique avec de petites oreilles pointues. Le larmier, glande située dans une dépression en avant de l’œil, dont la sécrétion est abondante chez le mâle pendant le rut, semble jouer un rôle majeur dans les relations mère-jeune.
Les pattes sont longues, et les sabots sont très semblables à ceux du renne par leur grande taille et leur largeur. Ils font aussi le même bruit lorsque l'animal se déplace. Ils facilitent la marche en terrain marécageux.
Les sabots du cerf du Père David sont larges et souples, spécialement adaptés au milieu aquatique dans lequel il évolue.
La queue du cerf du Père David est exceptionnellement longue pour un cervidé. Elle mesure entre 22 et 35 cm de long. Son extrémité est noire.
La croupe du cerf du Père David ressemble à celle d'un âne, avec une longue queue à l'extrémité noire.
Les bois, présents uniquement chez les mâles, ont une forme insolite: ils portent des pointes courbées vers l'arrière, alors que chez les autres espèces, elles sont orientées vers l'avant ou vers le haut. Ils mesurent environ 80cm.
Unique parmi les cerfs, le cerf du Père David porte des bois recourbés vers l’arrière et d’aspect boursouflé.
Un daguet est un jeune cerf entre 9 mois et 2 ans, qui porte des dagues sur la tête. (bois non ramifiés, comme sur la photo ci-dessus). A 2 ans, les dagues tombent et les premiers bois ramifiés poussent.
Chaque année le cerf du Père David refait ses bois. Lorsque les conditions sont exceptionnelles, il lui arrive de perdre ses bois deux fois par an mais dans ce cas, les nouveaux bois sont de dimensions réduites. Ce fut le cas au domaine de Woburn (Angleterre).
Sources: Le Cerf du Père David par Georges Olivier (1954)
Les bois tombent normalement entre décembre et janvier et commencent à se reformer au bout de quelques jours .
Les bois, perdus chaque année, s'ils ne sont pas rapidement ramassés par l'homme sont rongés par de nombreux animaux qui absorbent ainsi du calcium, des phosphates, des sels minéraux. Les cerfs du Père David eux-mêmes sont susceptibles de broyer peu ou prou leur propre mue, puisqu'ils sont sans cesse à la recherche de toutes sortes d'éléments susceptibles de favoriser la croissance de leur nouvelle ramure.
Au début de la repousse, les bois sont recouverts de « velours » , une sorte de peau irriguée par de petits vaisseaux sanguins. Ce sont eux qui acheminent les substances nutritives nécessaires à la croissance de la ramure. À cette période les bois sont très fragiles: le moindre choc peut causer une malformation du bois ou même une hémorragie.
Au cours de leur croissance , les bois sont d'abord recouverts d'un tissu tégumentaire (le velours) qui assure la protection, la vascularisation et l'innervation de ces organes.
Les bois atteignent leur pleine taille vers le mois de mai et deviennent alors durs et osseux. La circulation sanguine qui s'effectuait dans le velours s'arrête et celui se dessèche. Il se détache en lambeaux sanguinolents dont les cerfs se débarrassent en se frottant contre les arbustes: on dit alors qu'ils "frayent". Les peaux qui tombent à terre sont, par la suite, consommées par le cerf.
A la fin de la repousse, les velours se dessèchent et tombent en lambeaux, dont le cerf du Père David se débarrasse en frottant ses bois contre les arbres : on dit qu’il fraye.
Une biche se délecte des lambeaux de velours sanguinolents qui se détachent des bois du mâle
Les hardes de cerfs du Père David se composent soit de mâles, soit de femelles suitées, c’est-à-dire accompagnées de leurs petits. Les mâles ne retrouvent les femelles que lors de la saison du rut. Leur rareté et la relative exiguïté des parcs dans lesquels ils évoluent, ne permettent pas de se faire une idée réelle de leur comportement en liberté.
Harde de femelles accompagnée d'un daguet (jeune cerf de l'année précédente)
Cerfs et biches du Père David ne se côtoient qu'en période de rut. Le reste du temps ils vivent séparés.
Contrairement à la plupart des autres espèces de cervidés, le cerf du Père David aime beaucoup l'eau. On pense d'ailleurs que son habitat d'origine fut une région marécageuse du Nord-Est de la Chine où il s'était adapté à un milieu semi-aquatique. C'est un très bon nageur : par temps chaud, il peut passer des heures en immersion dans l'eau jusqu'aux épaules. Le mâle aime tout particulièrement à se vautrer dans la vase, au bord des lacs et des étangs, en faisant gicler de la boue à coups de sabots.
Le Cerf du Père David est un animal de marais qui consacre une grande partie de son temps à se baigner durant l'été et qui, même en hiver, aime à se tenir dans l'eau.
Le Cerf du Père David ne se souille pas et ne se roule pas comme le Cerf d'Europe, mais se tenant debout ou couché dans l'eau ou la boue, il s'asperge copieusement à l'aide de la partie postérieure de ses bois, dont il se sert comme une écope.
Le cerf du Père David se nourrit principalement d'herbe, mais également de feuilles et de jeunes pousses. En fait, tout dépend du type de végétation qu'il trouve dans son environnement. En été, il fréquente volontiers les eaux stagnantes et les rivières au cours peu rapide, et complète son régime habituel en broutant des plantes aquatiques.
Le cerf du Père David , comme tous les cervidés, est un herbivore ruminant.
Les excréments du cerf, aussi appelés « fumées », sont des indices de présence pour ceux qui les recherchent. Il s’agit de petites boules ovales pouvant atteindre 3,5 cm de longueur.
Le cerf du père David est une espèce polygame. Les accouplements ont lieu à partir de juin, les femelles fécondables formant alors des petits groupes dominés chacun par un mâle adulte. C'est la période du rut, au cours de laquelle les mâles deviennent très agressifs.
La femelle du Cerf du Père David est polyœstrienne saisonnière (Curlewis et al., 1988). Sur la base des observations comportementales d’œstrus, le cycle a une durée de 19,5 + 0,6 jours (Curlewis et al., 1988) . La durée des chaleurs est de 17,5 heures (Argo et al., 1994).
La possession d'un harem est souvent l'enjeu d'affrontements entre mâle rivaux. Un même groupe de femelles peut ainsi changer plusieurs fois de reproducteur jusqu'à la fin de la période de rut, en août.
Avant de s’affronter, deux cerfs se jaugent : Ils marchent parallèlement l’un à l’autre, expriment leur force et leur hargne : ils grincent des dents, bavent et tirent la langue.
Le cerf dominant tente toujours d'intimider l'intrus plutôt que de l'affronter directement. Pour les jeunes cerfs, cette intimidation est suffisante pour les faire partir.
Verge sortie, bas-ventre frémissant, le cerf du Père David, surexcité, laboure l’herbe à grand coup d’andouillers.
Il n’est donc pas rare de voir en période de rut, des cerfs du Père David avec des touffes d’herbe accrochées aux bois.
En fait, ces affrontements se limitent généralement à des manoeuvres d'intimidations et des démonstrations de force. Mais quand les choses deviennent plus sérieuses, les mâles se battent avec violence, en utilisant toutes les armes dont ils disposent : bois, dents, sabots.
Un cerf du Père David abaisse ses bois invitant son rival au contact. Le contact entre les bois est souvent si rapide que l'identification de l'initiateur du combat est impossible.
Quand le combat est inévitable. Les cerfs ne se chargent pas de front, mais entrent en contact de profil, par leurs bois qui se bloquent. Ils alternent poussées et tournoiements pour déséquilibrer et faire reculer l’adversaire. À l’issue de ce combat, qui peut durer une dizaine de minutes, le perdant s’efface, rarement poursuivi par le vainqueur.
La plupart des combats sont brefs mais certains, plus longs et plus rudes, provoquent des blessures. Pour ce cerf du Père David , rien de grave, heureusement.
Pendant la période de rut, le cerf du Père David ne prend pas le temps de manger - en a-t-il seulement l'envie ? - tant il est accaparé par ses activités de veille et de joutes.
Après le rut, les cerfs, dont certains ont perdu de 10 à 20 % de leur poids, se dépêchent de manger beaucoup pour se refaire une santé avant la disette hivernale.
Un cerf du Père David défend son harem de biches des autres prétendants.
Les cerfs poursuivent fréquemment les biches sur de courtes distances à l'intérieur de leur harde. Pendant ces poursuites, le cerf trotte derrière la biche l'encolure allongé parfois étirant la langue. Les poursuites prennent fin quand le cerf s'arrête et semble avoir perdu tout intérêt et elles sont souvent suivies par une période de brame.
Le brame du cerf du Père David consiste en deux ou trois mugissements gutturaux très sonores, le dernier étant émis sur un ton plus bas que le ou les précédents. En dehors de la période de rut, l'espèce fait entendre trois cris : un cri d'alarme qui est un grognement guttural dissylabique. Les biches inquiètes et quelque fois aussi les cerfs aboient lorsqu'ils sont inquiets. Enfin, les biches appelant leurs faons poussent un cri qui rappelle en plus bref et en plus doux celui du cerf bramant.
Le brame du cerf du Père David consiste en deux ou trois mugissements gutturaux très sonores.
Au terme d'une gestation de 250 jours, la femelle donne naissance à un ou deux faons entre avril et mai. (75% des naissances ont lieu au mois d’avril).
Les jeunes faons pèsent environ 11 kg à la naissance sont presque aussitôt capables de se dresser sur leurs pattes et de marcher. Les faons sont couvert d'une épaisse toison beige ou fauve tachetée de blanc.
Les taches de la livrée du faon de cerf du Père David disparaissent au bout de quelques semaines et le pelage prend une couleur ocre uniforme.
Les jeunes sont allaités 6 à 7 semaines et demeurent auprès de leur mère pendant 1 à 2 ans.
La biche élève seul son petit et se montre très protectrice n'hésitant pas à charger l’intrus ou à l’attirer loin de sa progéniture.
Une jeune femelle reste avec sa mère ou à proximité directe de celle-ci toute sa vie (philopatrie) tandis qu’un jeune mâle la quitte vers l’âge de 18 à 24 mois pour rejoindre d’autres mâles.
Le cerf du Père David est considéré comme Éteint à l'état sauvage (EW) sur la Liste rouge de l'IUCN.
La réintroduction du cerf du Père David dans son pays d'origine s'est amorcée en 1957, avec l'envoi au zoo de Pékin de 5 jeunes nés dans celui de Londres.
Dans les années 1980, un troupeau a été réintroduit dans un parc près de Beijing puis un autre dans la réserve naturelle de Dafeng.
En 2015, la population de cerf du Père David a dépassé 6 000 à l’échelle mondiale. En plus de 219 centres d’élevage dans 25 pays, 5 000 spécimens se trouvent en Chine, soit une croissance multipliée par 49 en 30 ans, et 83% du total à l'échelle mondiale. Cependant, cette espèce reste considérée comme éteinte à l’état naturel et ce jusqu’en 2025 ! En effet, pour déclarer la réapparition d’une nouvelle espèce dans son milieu d’origine, il faut attendre 40 ans après la première réintroduction.
Il faut noter également que l'espèce ne paraît pas avoir souffert génétiquement à cause de la petite taille de sa population.
Le Cerf du Père David est un exemple de ce à quoi peuvent servir les Parcs Zoologiques travaillant sérieusement et activement à la sauvegarde des espèces animales…
Un nouvel habitat sauvage pour les cerfs du père David
Un nouvel habitat sauvage pour les cerfs du père David Texte de Zi Ran, Photographies de Sun Huajin Le 3 mars 2016, pour la Journée mondiale de la faune, 16 cerfs de père David ont été envoyé...
http://www.chinapictorial.com.cn/fr/se/txt/2016-06/14/content_722318.htm
Les animaux menacés d'extinction ont le malheur d'avoir l'homme comme prédateur.